Le 27 juin 2022, Raphaël, Thomas, Juliette, Félix et moi nous préparons à partir pour une super grosse randonnée, à Thomas Bay, en Alaska. Sur le panneau au début du sentier, c’est écrit « 5 ». Comme, 5 km ? C’est faisable, j’ai déjà fait bien plus ! Malgré ce petit sentiment de stress qui m’envahit chaque fois que je pars en randonnée avec Raphaël, quelque chose au fond de moi m’incite à aller avec eux !
Tout de même, la question reste :
Si j’avais connu les péripéties et le dénouement de cette expédition, aurais-je quand même suivi la troupe dans cette folle aventure avec autant d’enthousiasme ?
À chaque fois que j’ai suivi Raphaël dans de grosses randonnées en montagne, qui prennent la plupart du temps toute la journée, j’en ai gardé de magnifiques souvenirs (même si généralement, je regrette vivement ma décision tout le long de la randonnée). Ça crée un sentiment étrange, je ne crois pas pouvoir expliquer clairement ce que ça fait. C’est un mélange de satisfaction, de réussite et de succès ; du bonheur mixé avec un peu de souffrance et un soupçon de soulagement. On devient accros à cette sensation, on en veut toujours plus ! Mais pas sur un intervalle trop rapproché quand même, il faut laisser à son corps et son cerveau le temps de se remettre de tous les efforts (aussi physiques que mentales) que ça implique !
Nous sommes plusieurs à vouloir faire la randonnée avec Raphaël, alors nous pouvons répartir le stock équitablement, ce qui permet de rendre chaque sac un peu moins lourd. Dans le mien, je mets : ma tuque, de la crème solaire, de l’eau, une pomme, un sac de sandwiches, un sac de brownies, une petite trousse de premiers soins et mon téléphone. Raphaël et Thomas apportent des kits de survies plus complexes et les deux plus jeunes traînent leurs affaires, comme moi. Pas besoin d’amener trop de choses, ça va juste alourdir nos sacs pour rien. Ce n’est pas comme si nous allions passer la nuit dans la forêt non plus ! En tout cas, ce n’est pas le plan…
Nous partons du bateau à 9 h du matin et marchons sur un beau sentier de gravelle large et assez plat sur environ 200 mètres. Après cette distance, il y a une belle grosse chute où nous nous arrêtons pendant 20 minutes, le temps de la regarder, la photographier et la filmer. Le sentier qui suit la chute s’avère un peu différent : il n’y a plus de gravelle par terre et le chemin cesse d’être plat. C’est plus comme une trail normal de forêt et de montagne, comme je suis habituée à voir ! Mais il est tout de même bien aménagé : il y a des marches creusées dans la roche et des escaliers sculptés dans des troncs d’arbres couchés. C’est pratique, que dis-je, nécessaire pour continuer à avancer sur la piste ! En effet, les énormes troncs d’arbres tombés au beau milieu du chemin et les parois rocheuses seraient des obstacles infranchissables sans ces infrastructures. Les escaliers et les cordes sont aussi très pratiques pour monter les pentes plus abruptes. Et des pentes abruptes, il y en a ! Des côtes, nous en montons tout le long du trajet pour y aller, ce qui est un peu normal étant donné que nous montons une montagne. Ça monte tellement à pic ! À un moment donné, mon téléphone indique que la pente est à 27 % d’ascension ! Ça me fait réaliser à quel point je n’ai pas un bon cardio… Je suis tout le temps rendue en arrière de tout le monde ! Même de Raphaël qui s’arrête tout le temps pour photographier les nouvelles espèces qu’il voit !
Mais il y a de bons côtés à tout : ça me donne l’occasion de réfléchir à pas mal de choses, d’être toute seule en arrière.
« Est-ce que j’avais vraiment raison de ne pas vouloir quitter Ucluelet ? Tout bien réfléchi, je crois que non. Nous faisons un voyage, il faut bien voyager ! À quoi bon vivre dans un voilier, si c’est pour toujours rester à la même place ? Si nous avions fait comme je l’avais souhaité, nous n’aurions jamais vécu tout ce que nous avons vécu durant ce dernier mois. Bien sûr, mes amies me manquent et les douches chaudes du gym aussi. Cependant, est-ce que ça valait vraiment la peine de tout manquer pour continuer ma petite vie à Ucluelet ? Je crois que pour maintenir le moral des troupes, il faut bouger. Rester ancré au même mouillage pendant trop longtemps, ça nous donne tous l’impression que nous perdons notre temps et que le voyage n’avance pas. Je ne regrette absolument plus d’avoir levé l’ancre de l’inlet de Ucluelet, ni d’avoir recommencé à explorer les petits recoins de notre belle planète ! En plus, j’ai maintenant plein de temps pour pratiquer les arts auxquels je m’intéresse : la couture, la peinture, le dessin, l’écriture, la cuisine, etc. Il faut croire que je me suis finalement réhabituée à la vie de voyageur ! »
D’occuper mes pensées ne rend malheureusement pas la montée moins difficile pour moi et mon piètre cardio… Je continue cependant d’avancer et à midi, nous arrivons à un premier lac : le lac Fall. Ce lac n’est pas la dernière destination de cette randonnée ; il est à mi-chemin entre le bateau et le lac Swann, le dernier lac.

Il y a deux chaloupes à rames attachées sur la rive. Elles ont l’air d’être là pour les randonneurs alors… pourquoi ne pas aller faire un tour sur le lac, histoire de se rafraîchir et de se reposer un peu ? Nous embarquons tous dedans et ramons jusqu’au bout du lac où une énorme cascade nous attend.
Comme toujours, Thomas veut faire plus hot que les autres, alors il conduit sa chaloupe jusqu’au pied de la cascade et grimpe sur les grosses roches. Il veut que nous le prenions en photo… sacré Thomas, ses idées farfelues vont nous manquer lorsqu’il ne sera plus là.
En attendant, j’en profite pour appeler les parents à la VHF. C’est la condition établie pour qu’ils nous laissent entreprendre de grosses randonnées sans eux. Il faut les appeler à midi et lorsque nous arrivons au bout du chemin.
Lorsque Thomas juge que nous avons pris assez de photo, il plonge dans l’eau glaciale du lac. Il a beau faire chaud et ensoleillé, cette eau qui vient directement des glaciers le force à regagner sa chaloupe bien assez vite ! Par chance, la température de la journée le réchauffe bien assez vite.

Nous restons sur le lac Fall pendant 40 minutes environ, nous n’avons pas vu le temps passer ! Vite, nous retournons au point d’attache des chaloupes et continuons notre chemin sur le sentier. Le bout qui suit est clairement le plus difficile parce qu’il faut passer par-dessus une montagne de 560 m d’altitude ! (Nous sommes déjà à une hauteur de 360m, mais quand même.) En plus, le sentier n’est plus aussi praticable qu’au début : c’est rendu une grosse flaque de bouette !
En haut complètement de la montagne, il n’y a pas d’arbres. Le sol est entièrement recouvert d’un tapis de mousse orange complètement imbibée d’eau et à chaque pas que nous faisons, nous nous retrouvons avec de l’eau jusqu’aux chevilles. Ça ne sert plus à rien d’essayer de garder nos pieds au sec, c’est peine perdue…

Suite à ce marécage boueux, nous descendons la montagne sur environ 160 mètres et un peu plus loin, le sentier se divise en deux, juste devant une pancarte. Sur cette dernière, c’est indiqué qu’à droite c’est la grosse cascade du lac Fall de tantôt, et à gauche, le lac que nous voulons aller (le lac Swan). Raphaël veut aller voir la cascade alors nous empruntons le sentier qui part vers la droite et descendons encore sur 20 m jusqu’à un shelter (abris) qui se trouve juste en face de la chute. Nous en profitons pour remplir nos bouteilles d’eau dans la rivière puis continuons à descendre sur le sentier. Au bout de ce sentier, c’est le lac Fall. Le même que nous avions vu plus tôt, mais à l’autre extrémité.

Et il y a une corde pour attacher une chaloupe là aussi ! Elle est malheureusement inutilisée puisque la chaloupe qui vient ici est celle que nous avons laissée de l’autre côté du lac. Nous sommes déconcertés, découragés, fâchés… nous aurions pu traverser jusqu’ici avec les chaloupes en 10 minutes au lieu de passer par la montagne, ce qui nous a pris 2 heures et demie et beaucoup d’efforts ! Mais maintenant, il est trop tard. Nous continuons donc notre chemin, remontant tout le 40 m que nous venions de descendre…
Cette fois, nous nous dirigeons vers le côté gauche de la pancarte, sauf qu’après 15 minutes de marches, un énorme sapin tombé au beau milieu de la trail nous bloque le chemin. Nous pourrions grimper par-dessus et continuer la randonnée, mais étrangement, on dirait que le sentier finit là, qu’il n’a pas de suite ! Confus, nous revenons sur nos pas pour nous assurer que nous n’avons pas manqué un virage quelque part et que nous sommes à la bonne place. Oui, nous sommes bien là, parce qu’il y a des souches d’arbres coupés sur les bords et un carré bleu qui indique la piste. Mais nous avons beau chercher, nous ne trouvons pas la suite de la trail ! En fouillant, nous croyons voir quelque chose qui ressemble à un sentier dans les buissons. Nous le suivons, mais 10 minutes plus tard, nous nous rendons compte que nous marchons en pleine brousse et qu’il n’y a pas de sentier. Nous revenons donc sur nos pas, encore, et nous assoyons dans la forêt pour dîner.
Il est 16 h.
Nous avions prévu manger seulement en arrivant au lac Swan, mais là nous avons trop faim, nous avons trop chaud et nous sommes tous un peu à bout de nerfs parce que nous ne trouvons pas le sentier. Nous pourrions juste décider de virer de bord et retourner au bateau, mais nous ne voulons pas avoir fait tout ce chemin pour rien. Pour dîner, nous mangeons 2 sandwiches chacun. Il en reste 2, mais nous préférons les garder pour qu’il nous reste de quoi manger plus tard le soir. Nous commençons à réaliser que ça fait 7 h que nous sommes partis et que nous allons arriver vers 23 h si ça nous prend le même temps revenir. De base, nous étions censés être revenus à 15 h…
Après dîner, Raphaël continue à chercher la suite du sentier pendant encore quelque temps et miracle ! Il trouve par où il passe, bien dissimulé en dessous de plein de branches ! Mais il est vraiment très accidenté parce qu’il y a eu un éboulement dans le passé et à cause de ça, il y a plein d’arbres tombés et empilés sur ce qui devait être le sentier. Mais nous finissons quand même par retrouver la terre ferme et son sentier après avoir escaladé et nous être faufilés sur environ 100 m d’arbres tombés. De toute façon, même si c’est dur et fatigant, notre objectif est d’atteindre le lac Swan et c’est ce que nous allons faire ! Alors nous marchons, encore et encore, jusqu’à ce que nous arrivions au lac, à 5 h 30. Il y a une chaloupe là aussi. Nous embarquons tous dedans et ramons pour aller voir la neige qu’il y a sur l’autre rive. Pendant que Félix joue dans la neige, Raph, Tom, Juliette et moi sommes assis dans la chaloupe avec une musique tranquille que Thomas a mise en arrière-plan. Nous ne faisons rien… notre corps a été éprouvé physiquement et là il demande du repos. Alors c’est ce que nous lui donnons. Mais la question que nous nous posons tous à ce moment-là, c’est : « Comment Félix peut-il encore avoir autant d’énergie tandis que nous, nous sommes morts ? »
Il est rendu 18 h.
Il est tard et nous commençons à envisager de dormir sur terre. Même si le soleil se couche tard, nous sommes trop épuisés pour marcher vite alors nous aurions à marcher dans le noir. Les gars l’ont déjà fait l’été passé au Canada et ils disent que ça va vraiment mal.
Nous réfléchissons donc à des possibilités : nous pourrions ancrer la chaloupe au milieu du lac et dormir dedans pour qu’il n’y ait pas d’animaux ! Nous ne sommes pourtant pas sûrs que ce soit une bonne idée. Surtout après avoir regardé le décor et trouvé que ça ressemblait au lac du film vendredi 13 ! Nous chassons vite cette option. Nous pensons aussi à descendre la rivière avec la chaloupe, mais nous nous entendons encore sur le fait que c’est une mauvaise idée.

Nous reprenons donc la route vers le lac Fall. Nous déciderons quoi faire une fois rendus là où le sentier se divise en deux. À 19 h, nous arrivons à la pancarte. Les gars ont une idée : ils vont aller au lac, longer la rive le plus longtemps possible et, après, nager jusqu’aux chaloupes. Ils vont ensuite les ramener et nous pourrons traverser par l’eau en 10 minutes à place de devoir monter la montagne, ce qui nous prendrait 3 heures puisque nous sommes fatigués. Je ne suis pas totalement sûre que ce soit une bonne idée, mais ne suis pas vraiment contre, alors « lets go » pour le lac Fall ! À 19 h 10, les deux gars se mettent en bobettes (pour garder leurs vêtements secs) et mettent leur plan en exécution. Ils longent le bord de l’eau sur environ 30 m et sautent à l’eau, ne pouvant escalader le cap de roche.
Ils ont 400 m à nager. Dans de l’eau glaciale. En bobettes.
Juliette, Félix et moi restons assis sur le bord de l’eau, n’attendant que leur retour, mais d’où nous sommes, nous ne pouvons pas les voir à cause d’une pointe de roche. Au bout de 20 minutes, toujours rien. Nous commençons à être vraiment inquiets. Nous ne pouvons pas juste rester assis là à attendre ! Alors nous prenons les affaires des gars et commençons à longer le bord de l’eau en marchant sur les roches. Mon idée, c’est d’être proches lorsqu’ils arrivent avec la chaloupe, alors ils seront mouillés et gelés pendant moins longtemps. Je souhaite aussi essayer de voir où ils sont en grimpant par-dessus la roche, mais je ne réussis pas à l’escalader. Tout ce que nous pouvons faire, c’est attendre et espérer qu’ils reviennent vivants.
À 19 h 50, 40 minutes après que les gars soient partis, Juliette pousse un gros cri de terreur, ce qui me fait sursauter. Prise de panique, je me mets à scruter le lac à la recherche des gars, mais il n’y a rien. Pourtant, un peu à droite de mon champ de vision, je vois bouger. C’est là que je remarque Thomas qui est en train de passer par-dessus la roche que je n’ai pas réussi à escalader. Il tremble de froid et grelotte plus que jamais. Félix trouvera toujours qu’il ressemblait à un zombie ! Le temps qu’il descende, je sors ses vêtements de son sac pour qu’il puisse s’habiller le plus rapidement possible. Une fois ma tâche accomplie, je me souviens de Raphaël. Il n’est pas avec Thomas, il est où ?! La seconde qui suit, je remarque qu’il est passé par la forêt juste en haut de nous. Je lui donne ses vêtements avant qu’il descende parce que je me dis qu’il sera peut-être gêné de descendre en bobettes. Par la suite, il me confie toutefois qu’à ce moment-là, ça ne le dérangeait plus. Tout ce qu’il voulait, c’était de se réchauffer au plus vite.
Dès qu’ils sont assez réchauffés pour pouvoir parler, ils nous disent que c’était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. Ils disent aussi qu’ils ont senti toute leur chaleur les quitter dès qu’ils sont rentrés dans l’eau. À cet instant, ils se sont dit que c’était la pire mauvaise idée qu’ils aient eue de leur vie ! Ils ont nagé le mieux qu’ils pouvaient jusqu’à à peine 1/5 de la distance totale. N’en pouvant plus, ils se sont assis sur une roche et ils n’ont même pas eu besoin de se consulter pour décider qu’ils viraient de bord. Ils disent qu’ils sont revenus juste à temps, avant l’hypothermie…
Pendant que les gars se rhabillent, j’essaie d’appeler les parents à la VHF pour leur donner des nouvelles du cheminement de notre périple. Les gars ne veulent pas que je leur dise qu’ils sont allés dans l’eau alors je leur dis seulement que nous allons arriver dans 4 heures ou plus, comme Thomas m’a demandé de dire. Un peu après, vers 20 h, Raphaël me demande de les rappeler pour leur dire que nous allons dormir sur terre. Il dit avoir perdu toute son énergie dans l’eau. Thomas et lui ont de la misère à monter jusqu’au shelter tellement ils n’ont plus de forces ! Alors je rappelle les parents pour leur dire ça, mais encore sans parler de la baignade des gars. Ils demandent des renseignements sur notre position, pourquoi ça a été long, où est-ce que nous allons dormir, etc. Je leur explique que nous allons dormir dans une cabane que nous avons trouvée. C’est en haut de la cascade.
Ce shelter est un abri en bois avec un toit, trois murs et un plancher. Thomas allume vite un feu dans le rond qu’il y a au milieu du plancher de la cabane pour se réchauffer. Nous empilons ensuite une réserve de bois pour la nuit et mettons nos souliers et nos bas autour du feu pour qu’ils sèchent. C’était une bonne idée, jusqu’à ce que celui de gauche s’enflamme lors d’un moment d’inattention. Je l’enlève du feu à l’instant où je le remarque, mais il est déjà trop tard : toute la partie avant de mon bas n’existe plus. J’ai les orteils au complet qui sortent ! Ce n’est pas pratique ça… Pour ne pas avoir trop froid pendant la nuit, je place une guenille (emmené pour empêcher ma bouteille d’eau de couler) sur mes orteils. Je remets mon bas troué par-dessus, le tout tenu en place par mon élastique à cheveux. Ça fait l’affaire !


Une fois que tout ça est réglé, nous faisons l’inventaire de toute la nourriture qu’il nous reste. Je compte 2 sandwiches, 1 barre tendre, un sac avec un mélange de noix, de raisins secs et de pépites de chocolat, un sac de graines de tournesol, un morceau de brownies et une double portion de gruau sec. Pour souper, nous divisons les 2 sandwiches en 5. Nous avons dîné tard, alors ce n’est pas la faim qui nous tiraille. Ensuite, nous passons le temps en parlant ensemble, en faisant des blagues, en échangeant nos anecdotes de la journée, comme nous l’aurions fait si nous étions au bateau avec le reste de la famille. Le moment n’est ni agréable ni confortable, mais l’humeur de tous reste d’aplomb et nous rions tous ensemble des histoires drôles de chacun, sans nous soucier de notre situation.
Pour la nuit, nous ne possédons qu’une couverte de survie. Elle n’est assez grande que pour Juliette, Félix et moi. Thomas et Raphaël ont insisté pour rester près du feu sans couverture. Thomas est en shorts, il doit avoir froid. Il a aussi juste un chandail à capuchon. Il a mis ses jambes dans les manches de son imperméable remplies de lichen pour avoir moins froid, ça a sûrement aidé un peu ! Raphaël, lui, a son pantalon, son chandail à capuchon et son imperméable. Il a mis ses pieds dans son sac à dos, c’est une bonne idée ! Juliette, Félix et moi ne sommes pas vraiment plus habillés pour passer une nuit dehors. Nous n’avons qu’un pantalon et une petite veste. Je ne regrette pas d’avoir emporté ma tuque ! Je l’ai proposée aux gars, puisqu’ils sont directement au froid, mais ils ne veulent pas la prendre…
Nous utilisons nos sacs à dos comme oreiller pour être un peu plus confortable. … Hum… je n’ai pas utilisé les bons mots… « Pour être un peu moins inconfortables, » serait plus approprié. Mais sérieusement, je n’aurais jamais pensé que dormir sur un plancher de bois était aussi inconfortable ! Je savais que ce ne serait pas aussi confortable qu’un lit, mais à ce point-là ? En plus, la couverture de survie est faite pour une personne, mais nous sommes trois. Nous l’avons placée dans l’autre sens et nous sommes tous couchés en petite boule sur le côté pour prendre le moins de place possible, mais je ne peux absolument pas dire que c’est confortable ! Au bout d’un moment, la hanche sur laquelle je suis couché devient extrêmement douloureuse, mais je ne peux pas me tourner sinon toute la chaleur sort. Je reste donc couchée sur le côté gauche toute la nuit et à un moment donné, je ne sens même plus ma jambe.
Les parents pensaient que la cabane que j’ai dit avoir trouvée était un genre de chalet comme dans « l’Appalachien Trail » avec un poêle à bois, des lits, de la nourriture… Et ils pensaient aussi que nous avions fait exprès de prendre notre temps dans la randonnée pour pouvoir dormir là. J’avoue que ça aurait été vraiment trippant. Mais ce n’est pas le cas.
La nuit m’a paru très longue. Je pense que j’ai dormi environ 30 minutes entre 22 h et 3 h 30. J’avais une musique dans la tête qui m’empêchait de me concentrer sur mon sommeil…
La veille, j’ai dit à mon père que nous partirions avec le lever du soleil et que ça nous prendrait environ 4 heures de marche jusqu’au bateau. Le soleil se lève à 3 h. Mais à 3 h, nous n’avons tellement pas envie de partir ! Nous sommes tous assis sur le bord du feu, le regard dans le vide, pas du tout reposé (sauf Thomas et Juliette qui ont dormi comme des bébés toute la nuit).
Vers 4 heures, nous sortons le sac de gruau et le vidons dans le plat de plastique qui transportait les sandwiches avant. Nous essayons de faire chauffer l’eau un peu, mais nos bouteilles sont en plastique alors ça ne sert à rien. Thomas nous fabrique des cuillères avec des bouts de bois plats et nous avons droit à 8 bouchées de gruau chacun. Ce sont clairement les 8 meilleures bouchées de gruau de ma vie ! Nous divisons aussi la barre tendre et le carré de brownies en 5. Ce n’est pas un gros déjeuner, mais c’est mieux que rien !


À 5 h, nous éteignons le feu, remballons tous nos affaires et nous remettons en marche avec nos souliers qui ont séchés toute la nuit. Au départ, ça va mieux que la veille parce que je suis un peu reposée, mais juste au début, le sentier monte pendant genre 45 minutes, alors je redeviens tout essoufflée. Après, ça descend sans arrêt jusqu’au bas, alors ce n’est plus essoufflant. Par contre, mon corps commence à ressentir les effets des efforts physiques de la veille. J’ai de la misère à lever les pieds et chaque pas est un supplice. Mes genoux me font souffrir plus que jamais, ah, mes genoux… ils ont toujours eu une faiblesse, autant en vélo qu’à pied. Et ce matin, ils ne me remercient pas !
Nous avons oublié d’appeler les parents avant de partir, mais nous nous disons que nous le ferons à 6 h. Pourtant, à 6 h, nous n’arrêtons pas de passer par des endroits que nous reconnaissons, alors nous décidons de les appeler rendu à la plage seulement, ce qui ne devrait pas être encore bien long ! (Finalement, nous arriverons à 8 h 10.)
Lorsque nous atteignons la partie où il y a de la gravelle sur le sentier, nous sommes tellement contents d’être presque arrivés que nous oublions toutes nos courbatures et nous mettons à courir ! Tout ce qui compte, c’est d’atteindre le bateau au plus vite pour pouvoir aller s’allonger confortablement dans nos lits ! Nous rêvons de ce moment depuis le début de cette randonnée qui ne finit plus de finir ! Lorsque nous arrivons enfin à la plage, nous avons tous ce sentiment d’accomplissement intense qui nous fait sourire jusqu’aux oreilles, sans pouvoir s’arrêter. Ce sentiment qui donne envie de refaire de grosses randonnées, même si c’est super dur et fatigant et nul par moment, juste pour revivre ce sentiment-là.
En attendant que mon père vienne nous chercher avec le zodiac, nous nous imaginons ensemble les premières choses que chacun va dire en nous voyant.
Papa va dire : « Hey les aventuriers ! » Alice va dire : « vous êtes trop chanceux d’avoir dormi sur terre ! » Maman va dire : « je n’ai pas dormi de la nuit tant j’étais inquiète ! »
Rapidement, mon père arrive avec le zodiac et devinez ce qu’il nous dit ? C’est facile : « Hey les aventuriers ! »
Nous éclatons tous de rire ! Décidément, nous nous connaissons trop bien dans cette famille !
Rendus au bateau, nous nous faisons bombarder de questions, comme nous l’avions prévu. Nous apprenons que mon père avait commencé à se préparer pour venir à notre recherche parce que nous n’avons pas appelé pour donner des nouvelles et il s’attendait à nous voir arriver à 7 h. Il allait partir à 8 h 30. On est arrivés à 8 h 10.
À 9 h, n’y tenant plus, je m’allonge dans mon lit et je m’endors instantanément. Apparemment que Félix, Juliette, Thomas et Raphaël aussi se sont endormis ! Ça devait être tranquille dans le bateau !
C’est vraiment dans la soirée et le lendemain que j’ai le plus souffert. J’avais monté mes leggings quand il faisait super chaud et là les coupures de branches qui parsemaient mes jambes commençaient à chauffer à cause de l’infection. De plus, mes muscles de jambes étaient douloureux, plus que jamais. J’ai désinfecté mes coupures un peu, au shelter, mais les lingettes désinfectantes que j’avais étaient sèches dans leur emballage…
Par la suite, nous investiguons un peu pour comprendre pourquoi la randonnée nous a pris autant de temps. Oui, les pauses bien trop longues sur les chutes et lacs n’ont pas aidé, mais tant que ça ? Nous découvrons qu’en fait, la randonnée n’était pas de 5 km. Aux États-Unis, les distances sont en miles ! Pas en kilomètres ! La randonnée était de 5 miles, donc, environ 18 km l’allée retour, avec les côtes qui montent descendent, montent, descendent.
Je crois quand même que ç’a été une expérience très enrichissante ! Je suis contente d’avoir pu la vivre, sachant très bien que tous les mauvais côtés vont se transformer en bons souvenirs. Et maintenant, je ne pourrais plus jamais dire que mon lit n’est pas confortable !
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Je suis fatiguee juste a lire votre aventure Charlotte! 😃
J’adore tes récits!
Bravo aux parents d’avoir le courage de laisser libre cours aux enfants!
Ahah! Merci! Mes parents préférent rester confortablement dans le bateau, les grosses expéditions, ils les laissent pour les jeunes!
Tu écris vraiment bien ! J’avais des images plein la tête en te lisant. Continue de nous faire vivre vos aventures. Je vous adore
Merci Mme Tremblay!
Chère Charlotte , quelle aventure! Bravo pour votre débrouillardise et votre sang-froid. Vous êtes mes aventuriers préférés!
Merci grand-maman!
Toujours une aussi belle écriture et une histoire palpitante. On lit ça d’un trait. J’aime aussi ta philosophie sur ton parcours de vie.
Merci beaucoup M. Poret!
Félicitations pour ton beau récit, ce fut très captivant à lire et heureuse que tous s’en sont sortis indems.
Déjà fait des randonnées de montagnes.
Mon plus haut sommet fut le Mont Washington.
Aujourd’hui, j’ai 75 ans et toujours admiratives des aventuriers tel Brume et Pinocchio.
Bonne continuite à vous: cette belle famille à la conquête du monde.
NB. Hâte de lire ta prochaine aventure.
Merci beaucoup Mme Demers pour votre beau commentaire! Wow le Mont Washington, impressionnant! C’est toujours un plaisir d’en apprendre plus sur nos admirateurs!
Charlotte tu m’as captivée du début jusqu’à la fin
Je suis heureuse que ça vous ait plu!
Bravo pour ce récit qui est quasi un roman d’aventure. Très bien écrit et décrit! On est avec vous, sur la piste, on imagine ce qui s’en vient… L’essence d’un roman! Continue, je veux un autre chapitre!
Merci beaucoup M. Geoffroy, ça me fait très plaisir!
Quelle aventure…. C’est tellement intéressant de te lire. À la prochaine!
Merci M. Gagnon!
Tu es une vraie conteuse! On ne s’ennuie pas avec toi
Merci Mme Beauvilliers!
Belle aventure que vous allez vous rappeler. Tu n’as pas mentionné de crainte par rapport aux ours. Pourtant ça serait ma première inquiétude. Surtout que vous ne mentionnez pas avoir de poivre de cayenne. Vous êtes braves.
Bonjour M. Labbé,
En effet, je n’ai pas beaucoup parlé de la crainte des ours, mais elle était présente! Durant la randonnée, nous ne restions pas silencieux trop longtemps pour que l’ours (si jamais il y en avait un) nous entende arriver et ne fasse pas le saut, ce qui pourrait devenir dangereux! Et oui, nous avions du poivre de cayenne! Nous ne partons jamais en forêt sans! Nous étions aussi vraiment stressés pendant la nuit. Chaque petit bruit dans la forêt nous inquiétait et nous tenait en éveil! Et effectivement, le lendemain matin, nous avons trouvé une crotte d’ours en face du shelter…
Quelle vie extraordinaire vous vivez ❤️ Que d’aventures, quelle belle chimie entre vous tous, cette tendresse que l’on perçoit entre les lignes…. FABULEUX
Bonjour Mme Guay, merci pour le message!
Bonjour, Charlotte,
What an adventure you and your family are having together! From your words, I could see the hike from several perspectives. I could understand your desire to keep climbing, while also imagine how difficult it was. And, as a parent, I could understand how your parents must feel concerned for your safety and also proud of all of you.
You are a delightful storyteller! Please keep writing and sharing your stories with us, your readers.
Sincerely,
Noreen Light
SV Sweethaven
(the little green boat in San Carlos)
Merci beaucoup Noreen pour ce message! C’est avec plaisir que je vais continuer à écrire mes histoires pour vous tous!
J’ai capoté en lisant ce récit. Je me suis morfondu comme parent, mais je me suis réjoui de votre expérience et le fait que vous faisiez équipe. Bravo à vous tous et merci Charlotte pour ce récit. Que Dieu vous protège.
Très belle expérience!