Vous rêvez d’îles isolées ? Ailuk, un atoll de la chaîne de Ratak dans l’archipel des îles Marshall, compte parmi les atolls les plus appréciés des navigateurs en voilier. On peut facilement y explorer plus de 50 motus non habités, tous aussi attrayants les uns que les autres. De plus, son lagon turquoise regorge de superbes récifs de corail, de poissons, de tortues, de raies et de nombreuses autres espèces de vie marine. Ses deux villages comptent au total environ 300 habitants qui vivent près de la nature et utilisent encore des canoés à voile traditionnels pour se déplacer dans l’atoll. Comme nous y avions passé 4 mois de rêve en 2020, nous avons décidé d’y retourner en avril dernier.
D’abord, où se trouve l’atoll Ailuk ?
L’atoll d’Ailuk se trouve environ 200 milles nautiques au nord-nord-ouest de Majuro, la capitale des îles Marshall, donc quelque part entre Hawaii et Guam dans l’océan pacifique Nord. Pour nous y rendre, nous prévoyons de naviguer deux jours et deux nuits, avec un vent de travers.

Le 11 avril 2023, jour de notre départ, le vent souffle de l’est. Le voilier est gîté légèrement du côté bâbord. Comme d’habitude, j’ai un léger mal de mer. Le pire, c’est la nuit pendant mon quart, car je dois rester vigilante, malgré mon envie de garder les yeux fermés. Heureusement, Pinocchio file à plus de 6 nœuds. Ainsi, nous arriverons beaucoup plus vite que prévu !
— Hey gang ! On va arriver de nuit finalement, annonce Marcus.
— Ah non ! s’inquiète Juliette. On ferra quoi ? C’est risqué de s’engager dans une passe d’atoll en pleine noirceur, non ?
— Tout va bien aller ! On a déjà franchi cette passe plusieurs fois, alors j’ai notre tracé sur la carte de navigation. Et avec Offline Maps, on voit bien où sont les récifs et les patates de corail à éviter.
Nous voilà enfin sous le vent de l’atoll. Toute l’équipe saute sur le pont pour baisser les voiles, heureuse à l’idée de bientôt arriver et de pouvoir profiter d’une nuit tranquille.
Il ne nous restait plus qu’à atteindre et à franchir la passe du canal de Marok au moteur, puis à traverser l’atoll d’ouest vers l’est en évitant les obstacles grâce à notre tracé sur la carte.
Le côté pratique d’Ailuk, l’île des voiles
Au grand bonheur des navigateurs, il est facile d’entrer et de se déplacer dans l’atoll d’Ailuk. Les trois passes d’accès sont situées sur la côte ouest. Le Canal d’Erappu, la passe la plus au sud, est parsemé d’obstacles, mais les deux autres, le Canal de Marok et le Canal d’Eneneman sont sans risque. Malgré tout, le meilleur temps pour les franchir et naviguer dans l’atoll est lorsque le soleil est haut dans le ciel. Ça permet une meilleure visibilité sur les obstacles. Surtout la première fois, car la carte OpenCPN n’est pas du tout bien alignée. Aussi, il est fort utile d’utiliser l’application OfflineMaps, qui permet de savoir exactement où on se situe dans l’atoll et par rapport aux récifs.
(…)
Cela dit, vers 1 h 30 du matin, l’ancre est jetée devant le motu Aliej (aussi appelée Ariichi). Le plan d’eau est super calme et nous pouvons enfin dormir paisiblement !

Tôt le lendemain matin, un « walap » passe derrière nous en se dirigeant vers le nord. Les quatre personnes à bord de ce canoë à voile nous saluent avec le gros sourire ! Ils s’en vont sans doute récolter du coprah, la chair blanche des noix de coco utilisé pour faire l’huile de coco. Si l’atoll d’Ailuk est devenu l’une des destinations les plus populaires chez les navigateurs, c’est principalement parce que ces habitants continuent d’utiliser ces canoës à voiles traditionnels comme principal moyen de transport. C’est vraiment beau à voir !
Cela dit, ce qui est particulièrement intéressant aussi dans l’atoll d’Ailuk, c’est que les 57 motus de l’atoll sont presque tous alignés du nord au sud, donc ils sont perpendiculaires au vent. Ainsi, les déplacements à la voile sont possibles presque qu’en tout temps. En effet, le vent dominant ici souffle de l’est ou du nord-est. Aussi, les mouillages sont très bien protégés de la houle ! Encore faut-il y trouver un espace sans corail pour jeter l’ancre !

Le village principal d’Ailuk
La première chose à faire en arrivant à Ailuk, c’est d’aller montrer notre permis au maire ou à son assistant qui vivent dans le village principal, situé au sud-est de l’atoll d’Ailuk. Il y a un deuxième village au nord-est. Ce n’est pas très évident de trouver où jeter l’ancre la première fois, car il y a beaucoup de coraux. Le mieux est de ne pas trop s’approcher de la rive. Nous avons jeté l’ancre aux coordonnées suivantes : 10o13.477’N/169o58.608’E.
Ça y est ! J’ai fini de préparer un sac avec plein de choses à échanger avec les gens. Des livres pour l’école, des aiguilles pour l’artisanat, de la vanille, de la poudre à pâte, de la cannelle en poudre, de l’ail en poudre, de la sauce piquante, des lunettes de lecture… Félix ajoute des petites voitures.
— Tout l’monde est prêt ?
Les filles enfilent leur robe marshallaise et s’entassent dans le zodiac.
Arrivés au village, nous marchons vers l’église où vivent le pasteur Anious et sa femme Emily. C’est eux qui nous ont servi d’interprètes en 2020.
— Yokwe ! Yokwe ! nous disent certains passants aux visages familiers.
La langue marshallaise et les échanges avec les locaux
Comme la majorité des habitants d’Ailuk parlent la langue marshallaise, j’ai jugé bon d’apprendre à dire quelques mots de base ! Mais certains villageois savent parler assez bien l’anglais pour entretenir une petite discussion. La conseillère municipale, la directrice d’école, le maire ou son assistant et la femme du pasteur sont habituellement heureux de nous servir d’interprètes.
Malheureusement, nous apprenons vite que le pasteur et sa femme sont partis visiter de la famille aux États-Unis depuis plusieurs mois. De plus, le maire du village, Typhoon Ankit, est en réunion à Majuro. Un jeune garçon accepte de nous guider vers la maison de l’assistant du maire, à qui nous remettons le paiement de $ 50US requis pour avoir le droit d’explorer toutes les îles de l’atoll.
Marissa, directrice et enseignante de l’école du village, nous invite à nous assoir et demande à ses élèves de nous préparer des noix de coco à boire. L’école est relativement en bon état. Les cours se font en marshallais, mais l’anglais y est enseigné comme langue seconde. Je profite de l’occasion pour offrir des livres de lecture à l’école. Je montre aussi les articles dans mon sac à Marissa et d’autres femmes dans les alentours. Elle est vraiment contente et nous offre des fruits de pandanus ainsi que des fruits de Bell, qui ressemblent à des pommes roses en forme de cloche.

Ces amies me disent de revenir dans une semaine avec mes produits, car elles veulent préparer des petits amimonos, de l’artisanat marshallais, pour offrir à nos enfants en échange.

La vie des insulaires isolés dans le milieu du Pacifique
En discutant avec Marissa, j’apprends que l’école sera annulée le lendemain, car les parents doivent discuter de stratégies pour réussir à nourrir leurs enfants. En effet, le petit magasin du village est vide et la plupart des familles n’ont plus de farine ni de riz. Le navire de livraison n’est pas venu depuis 5 mois. En plus, ça fait aussi 5 mois qu’il n’y a pas eu de pluie. Ainsi, cela affecte grandement leurs récoltes de fruit de pain, de citron et de pandanus qui tombent au sol à cause de la sècheresse. Même les noix de coco sont moins grosses. Il va sans dire, les jardins de laitue, de concombre, de courge et de tomates sont complètement morts. Les gens survivent grâce à l’eau de leurs puits. Mais il n’y en a pas beaucoup et elle est souvent contaminée par l’eau salée durant les grosses marées à cause de la hausse du niveau de la mer. De plus, elle doit être bouillie pour éviter certaines maladies. Heureusement, la saison des pluies commença cette nuit-là, remplissant complètement leurs réservoirs d’eau en quelques jours !
L’assistant du maire nous dit aussi qu’il n’y a plus une goutte d’essence sur l’atoll. Marcus leur en vend un bidon. Pourvu que le navire de livraison arrive avant la saison des vents calmes. En effet, l’été, quand les vents tombent, les habitants de l’atoll d’Ailuk sont obligés d’utiliser les chaloupes à moteur pour se déplacer d’un village à l’autre. Il y a deux villages, un au nord et un au sud. L’ennui, c’est qu’ils n’ont pas toujours l’essence pour faire fonctionner leurs moteurs hors-bord ni les mécaniciens pour les réparer en cas de besoin. Ils sont donc contraints à rester tranquilles l’été. Le problème, c’est que si quelqu’un doit être évacué d’urgence à Majuro, il doit prendre l’avion qui vient une ou deux fois par mois. Mais la piste d’atterrissage se situe sur l’île d’Ailuk dans le village du sud à plus de 14 milles nautiques de distance de l’île Enejelar où se trouve le village du nord. Ainsi, sans essence, ses habitants n’ont aucun accès aux soins médicaux.
Ça me désole beaucoup de les savoir dans un tel état d’urgence. L’avoir su d’avance, nous aurions pu leur apporter beaucoup plus de provisions à partir de Majuro. Malheureusement, au moment où nous avions offert nos services de livraison gratuite en faisant la demande de permis au ministère des Affaires intérieures à Majuro, on nous a dit qu’ils n’avaient besoin de rien. Il semble que la communication entre les atolls extérieurs et Majuro, la capitale ne semble pas très évidente…
Les moyens de communication restreints
Déjà en 2020, nous avions constaté que les moyens de communication étaient fort restreints au village d’Ailuk. Il y avait qu’un seul téléphone, situé au bureau de l’Autorité nationale des télécommunications, dans un des locaux de l’école. Ça coûtait autour d’un dollar la minute pour appeler à Majuro. Au même endroit, il était parfois possible d’avoir une connexion Internet très lente pour 5 $ par jour. Ça permettait tout au plus d’envoyer et de recevoir des messages sur Messenger. Un jour, ça marche, l’autre jour non… Puis, il y avait la radio à ondes courtes dans une petite cabine devant l’école.
Depuis, NTA a installé une nouvelle tour sur l’atoll permettant aux habitants de communiquer entre eux avec un téléphone cellulaire. Apparemment, il leur était aussi possible d’avoir un accès Internet, mais lors de notre passage en 2023, le système était en panne et le gars qui savait comment le remettre en fonction était parti à Majuro. La radio à onde courte était aussi hors d’usage.
Explorer les différents motus de l’atoll d’Ailuk
Les semaines qui suivent, nous bourlinguons d’un motu à l’autre. C’est agréable de marcher autour de ces îlots de sable corallien qui se trouvent sur la couronne récifale de l’atoll.
Uriga
Nous allons d’abord à Uriga (ou Marme), que nous avons surnommée : l’île du camping (10o15.278’N/169o58.818’E). En effet, comme le terrain est bien entretenu et que les cocotiers ont été plantés à une distance convenable, il est facile d’y installer des hamacs pour la nuit ! Imaginez l’aventure pour les enfants d’aller dormir là à la belle étoile ! Mais attention aux rats et aux Bernard l’Hermite qui rôde la nuit ! Pour la collation, fruit de pandanus. Pour le déjeuner, banik à la noix de coco sur le feu. Lait et eau de coco à volonté !
Aliet
Ensuite, nous retournons à Aliet — alias — l’île aux cochons (10o21.298’N/169o57.984’E). Voyez-vous, il y a un campement permanent sur cette île où les locaux vont parfois passer quelques jours pour récolter des noix de coco et des fruits de pandanus. Ainsi, certains y ont laissé leurs cochons qui vivent là en complète liberté. Ces derniers sont toutefois très timides et nous ne les avons aperçus que de loin. C’est mignon tout de même de voir les pistes d’une truie et de ses porcelets sur la plage ! Ce mouillage cache aussi un beau mur de corail qui abrite une grande variété de poissons et autres espèces.


Enenekugi
Finalement, nous naviguons vers Enenekugi (ou Enearmej) : l’île avec beaucoup de sable et le beau récif (10o22.895’N/169o58.062’E). En fait, sur le côté nord de ce motu, il y a un autre très petit îlot. Un canal étroit et peu profond sépare les deux îles à marée haute. Mais à marée basse, un ensablement relie les deux motus, au grand plaisir des enfants et de notre chienne Brume, qui se retrouvent avec un immense terrain de jeu ! Raphaël aussi est content de ce mouillage, car ce dernier se trouve à côté d’un superbe récif corallien de 130 m de diamètre entouré de magnifiques murs de descente. Nager au-dessus de ce pinacle donne l’impression de nager dans un aquarium géant ! De notre côté, Marcus et moi en profitons pour aller nager, marcher autour de l’île en jasant, nager à nouveau vers le récif, puis finalement, retourner vers Pinocchio à la nage. Qui pourrait espérer mieux comme sortie en amoureux ! Et bien, il y a mieux encore ! Des fois, nous laissons les enfants sur un motu et allons marcher autour d’un autre motu plus loin ! Là, on se sent vraiment comme étant seuls au monde !
Voici une belle vidéo documentaire fait par notre fils Raphaël lors d'une de ses plongés à Ailuk.
Autres motus intéressants
Lors de notre passage ici en 2020, nous avons aussi exploré Enearumichi — l’île avec un lagon intérieur ; les trois sœurs : Achaatakku/Ageleb/Ajirikku avec leurs « spas naturels » et les « rivières » qui les séparent à marée haute seulement. Finalement, Enejelar, Enijabro et Kapen, les trois îles les plus au nord où se trouvent aussi trois superbes récifs à explorer.
Malheureusement pour cette fois, Enenekugi sera le dernier motu où nous nous arrêterons avant de repartir vers Majuro, la capitale des îles Marshall.
Les bienfaits d’Ailuk
Saviez-vous qu’Ailuk signifie « joindre ou attacher ensemble » ? Est-ce parce que les 55 îles de l’atoll sont attachées ensemble, comme une chaîne ? Est-ce parce que ses habitants sont très attachants ? Ou encore parce que leurs conditions de vie les poussent à être très unis entre eux et à garder le sourire afin de mieux survivre aux périodes difficiles ? Je n’en sais rien ! Cependant, une chose est certaine, le temps que nous y avons passé en famille a eu un effet soudant entre les membres de notre famille. Les enfants ont développé une plus grande complicité et les parents aussi !

Voici une vidéo tournée en 2020 par Thomas à Ailuk qui explique comment choisir ses noix de coco!
Voici une vidéo tournée en 2020 par Charlotte à Ailuk qui explique c'est quoi le pandanus et comment l'utiliser.
À paraître bientôt…
Le 21 avril 2023 marque le début d’une série d’événements qui nous ont coûté très cher et qui ont grandement contrecarré nos projets de voyage pour l’année à venir… Êtes-vous intéressés d’en savoir plus ? Charlotte publiera sous peu son premier roman intitulé : « Une île juste pour nous » ! Ne manquez pas ça !

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Merci Johanne pour ce partage, c’est toujours passionnant de suivre votre voyage.
Portez vous bien ! Xx
Félicitation Johanne, que c’est intéressant de connaître comment les gens vivent dans ces îles isolées !
Bonjour Denise,
Merci pour tes encouragements!
Merci beaucoup Johanne pour ton message! Salutations à toute la famille! xx
Bonjour à tous! Toujours très passionnant de vous lire, et Oui, j’ai bien hâte de connaître la suite et aussi de lire le roman de Charlotte qui nous a montré son talent évident d’écrivaine. Portez-vous bien! Salutations!
Bonjour Danielle!
Je vais dire cela à Charlotte! Elle sera contente!
Bien hâte de vous revoir! Salutations de toute la famille!
Merci pour toutes tes publications. Nous apprécions vos découvertes et ta facon d’écrire. Merci aussi de nous consacrer ce temps si précieux. A bientôt
Bonjour Lucie!
Merci beaucoup pour votre beau message. Vos commentaires sont importants. C’est grâce à vos encouragements que je trouve la motivation nécessaire pour continuer à écrire!