Détrompez-vous ! L’atoll d’Aur, qui signifie « porte », est juste à côté de Majuro ! Cet atoll de 42 îles dans l’Océan Pacifique est à moins de 80 milles nautiques au nord de la capitale des îles Marshall. Malgré sa proximité avec la plus grande ville de l’archipel des Marshall, ses trois villages sont très exotiques et des plus paisibles. Aussi, sa nature est verdoyante et abondante, contrairement à Majuro qui est une zone urbaine pleine de béton.

Les habitants

Nous sommes étonnés par le peu d’habitants présents lors de notre passage. Le jour de notre arrivée, nous devons traverser tout le village de Tabal pour trouver l’homme qui est responsable de nous accueillir et de prendre le paiement de 25 $ pour le permis d’entrée en voilier.

— Je remplace le maire et l’assistant du maire, nous dit-il. Les deux sont partis à Majuro pour la grosse conférence des maires qui a lieu au mois de juillet. Toutes leurs familles les ont accompagnés, ainsi que plusieurs enseignants qui vont faire les achats avant le début de l’année scolaire. Habituellement, nous sommes autour de 300 habitants. Mais là, il ne reste pas grand monde ici !

Les enfants

Félix, qui a apporté un ballon de soccer pour briser la glace, tente un premier échange avec le jeune garçon de 12 ans qui nous a aidés à le trouver. Le premier contact est toujours difficile. Les Marshallais sont de nature timide avec les étrangers. Entre eux, ils échangent des rires nerveux. Ça nous rend un peu mal à l’aise.

— Est-ce qu’ils se moquent de nous ?

Comme prévu, le ballon attire l’attention. Bientôt, une dizaine d’enfants se rassemblent et se font des passes entre les poules et les cochons qui longent le long sentier qui traverse l’îlot. Ils continuent comme ça, jusque devant la petite école du village. Le jeu se transforme alors vite en partie de basketball sur l’unique terrain de béton de l’île. Deux simples panneaux de bois servent de but. Les cerceaux métalliques qui servaient de paniers ont été arrachés et jamais remplacés. Marcus forme les équipes et la partie commence. La chaleur est accablante et le jeu est intense ! Les jeunes Marshallais se donnent à fond dans la compétition et rient de leurs échecs comme de leurs victoires !

Une petite collation marshallaise

Le village est propre et les maisons sont bien entretenues. Contrairement à ce que nous nous attendions, les chiens sont calmes et nous regardent sans trop japper. Une famille de chiots vient même nous voir pour se faire caresser les oreilles. Une dame, assise par terre sur du gravier de corail concassé, m’invite à m’assoir près d’elle. Elle aplatit une boule de pâte de farine bouillie puis la couvre de noix de coco fraichement râpée.

— Prenez-en ! insiste-t-elle.

Enno! Enno! lui dis-je en langue marshallaise, ce qui signifie « C’est délicieux ! ».

Le motu Paojen

Comme nous aimons visiter les îles inhabitées, nous naviguons dans le lagon à la recherche d’une île à explorer. Le décor est à couper le souffle ! L’eau turquoise et translucide est idyllique. Nous croisons une dizaine de petits îlots semés de quelques cocotiers et entourés de plages de sable blanc. La marée est haute et la houle passe par-dessus la barrière de corail, rendant la navigation inconfortable.

— La prochaine fois, on naviguera à marée basse, propose le capitaine.

Nous mouillons l’ancre devant la petite île nommée Paojen qui se trouve plus au sud, entre le village de Tabal et le village d’Aur. Nous trouvons plusieurs sentiers très étroits et en suivons un pour traverser l’île, du côté lagon au côté océan. Nous nous retrouvons vite coincés dans des plantes grimpantes, des lianes et des branches qui encombrent le passage ! Marcus ouvre le sentier avec sa machette ! Attention à vos têtes ! Enfin, nous atteignons le côté océan. Comme sur tous les atolls, nous trouvons des bouées de pêche échouées sur le récif. Nous en rassemblons quelques-unes près de l’entrée de notre sentier pour le retrouver plus facilement. En marchant un peu vers le nord, Florence découvre l’entrée d’un autre sentier.

— Papa ! Il était là le vrai sentier ! s’exclame-t-elle

Les noix de coco

Nous y trouvons une quantité innombrable de cocotiers, mais leurs noix sont trop hautes. Félix grimpe donc pour aller en cueillir. Il se débrouille très bien ! Mais le lendemain, Marcus a envie de trouver une solution plus simple. Il attache donc un crochet de gaffe à crocs sur un long tronc de bambou et le tour est joué ! Il peut maintenant faire tomber de bonnes noix de coco vertes à boire. Comme c’est rafraichissant ! Elles sont sucrées et pétillantes !

Avant de retourner au voilier, nous ramassons une dizaine de noix de coco à lait et une dizaine de noix de coco germées qui jonchaient le sol, puis quelques noix de coco à boire supplémentaires pour demain matin !

— C’est rare qu’on ne trouve aucun pique sur les îles pour éplucher les noix de coco, remarque Marcus. On va devoir les éplucher avec notre pique sur le bateau.

Le coprah

Au milieu de l’île, du côté lagon, une grande clairière sert à accueillir les groupes qui souhaitent venir y camper pour le plaisir ou pour faire du coprah. Un jour, un groupe de 6 hommes arrive en chaloupe avec des brouettes, des machettes, des poches de jute et leurs fameux piques. Toute la journée, ils parcourent les environs à la recherche de noix de coco sèches, celles qui n’ont plus d’eau à l’intérieur. Ils les épluchent et remplissent une douzaine de poches de jute avant de repartir. Une fois chez eux, ils vont retirer la chair, la faire sécher au soleil et l’envoyer à Majuro où l’usine Tobolar pourra en extraire l’huile de coco.

L’aéroport d’Aur

Un matin, nous voyons passer plusieurs chaloupes venant du village du Sud. Elles se dirigent vers le village de l’île du centre, bien chargées de gens souriants. Vers midi, nous entendons un avion. Il descend lentement pour se poser sur l’étroite piste d’atterrissage de Tabal. Il repart un quart d’heure plus tard et continue sa tournée dans les atolls de la chaine de Ratak. Il reviendra une fois par semaine, ou presque. Des fois, il tombe en panne. Dans ce cas, les gens doivent attendre un, deux, ou trois semaines… pour entreprendre leur voyage.

Le motu Enidik

Deux fois par jour, Marcus fait entrer une prévision météo. Ce matin-là, on nous annonce du vent du nord. Il vaut mieux aller s’ancrer plus au nord derrière l’île Enidik qui abrite des vents du nord. Étrangement, il n’y a pas beaucoup de noix de coco sur les cocotiers. Aussi, une poudre noire couvre les feuilles de plusieurs arbres et arbustes. Est-ce une maladie ou de la cendre ?

La passe qui sépare Enidik de son île voisine est très étroite. J’invite donc Félix, Alice et Florence à m’accompagner pour la traverser à la nage. Nous relevons le défi à marée basse, quand l’eau m’arrive aux genoux. Ainsi, nous pouvons nager et saisir les grosses roches de corail de temps en temps pour nous aider à résister au courant ! C’est très amusant ! Sur l’île se trouvent de minuscules piscines naturelles (un pied de diamètre) creusées dans la pierre volcanique. Les enfants y découvrent de minuscules poissons à face de crapaud qui sautent d’une piscine à l’autre quand ils nous voient arriver ! Très amusant !

Lors de notre promenade autour de l’île, nous y rencontrons de gros varans. Se déplaçant parfois sur la plage, sur les branches d’arbres ou sur un tas de feuilles mortes pour chasser, ces lézards sont de couleur foncée, un mélange surtout de noir, gris, jaune, vert et blanc. Originaires de l’Asie, ils se seraient établis ici pendant l’occupation japonaise.

Monitor lizard

L’entrainement de natation

Le jour suivant, les prévisions de vent sont de l’est. Nous retournons donc à l’île de Tabal, mais mouillons l’ancre plus au nord de l’île où se trouve une belle pointe de sable blanc où les enfants prennent plaisir à aller s’amuser. Une jeune fille du village court les rejoindre pour jouer à la tag, faire des châteaux de sable, grimper aux arbres.

En juin dernier, Thomas nous avait annoncé qu’il avait réussi son niveau croix de bronze et qu’il s’est trouvé un emploi en tant que surveillant-sauveteur à Sainte-Foy.

— Je me demande qui parmi nous réussirait les épreuves physiques auxquelles Thomas a été soumis, lance Johanne.

Marcus installe donc deux bouées à 100 mètres de distance. Le mouillage devient un centre de compétition de natation ! Chaque jour, les membres de l’équipage se disputent pour remporter le meilleur record de vitesse pour le 100 mètres, le 200 mètres, le 400 mètres, le 600 mètres. Johanne lance le défi aux autres de la joindre pour un 2 km au style libre. C’est incroyable comme de simples bouées peuvent nous tenir occupés et nous stimuler à accroître notre forme physique !


La vie marine

Nous ne sommes pas seuls à nager dans le secteur ! Chaque jour, nous faisons de nouvelles rencontres : des poissons-nettoyeurs, des demoiselles, des pieuvres, des requins, des tortues et même une grosse raie Manta, qui avait sans doute rendez-vous avec les poissons-nettoyeurs !

Tous les jours, Raphaël part avec sa caméra pour plonger pendant 4-5 heures. Il explore les divers milieux coralliens et y découvre autour de 800 espèces différentes, donc de belles grosses anémones et leurs poissons-clowns !

À deux reprises, par temps calme, nous sommes allés plonger le long du récif à l’extérieur de l’atoll. Toute la famille prend plaisir à nager avec des poissons-perroquets géants, des mérous, des carangues, des poissons-napoléons… Raphaël y a même croisé le regard d’un requin-léopard !

Pendant la plongée, Marcus décide d’aller à la pêche en zodiac. Ça mord ! Mais le poisson est tellement gros que l’hameçon a déplié. Son gréement était trop petit et le poisson s’est échappé.

Alerte d’ancre surjalée !

Tous les jours, nous communiquions avec nos parents et avec Thomas pour donner des nouvelles. Un jour, nous ne recevons aucune réponse de leur part. Quand vient l’heure de prendre la météo, rien non plus. Marcus ouvre le modem Iridium pour se rendre compte que la batterie est fendue ! Misère de misère ! Heureusement, notre capitaine ultra prévoyant en avait commandé une de rechange ! Il a donc pu la remplacer et recevoir les prévisions. Elles n’annoncent rien de spécial.

Sans avertir, le vent a toutefois viré durant la nuit. L’alerte d’ancre surjalée sonne ! La poupe de Pinocchio est dirigée vers la rive ! Marcus a jeté l’ancre dans 17 mètres d’eau. Malgré tout, il s’inquiète pour le safran qui risque d’accrocher dans l’énorme patate de corail qu’il a aperçu dans le secteur. Il relève donc un peu de chaine pour nous éloigner un peu. Mais pas trop quand même ! Pinocchio finit par faire un tour complet autour de son ancre avant de reprendre sa position initiale le lendemain matin.

Le même scénario s’est répété 2-3 fois pendant le mois d’août, moment de l’année où la zone de convergence intertropicale monte plus haut et touche les îles du sud des Marshall. Il faut faire attention de ne pas s’ancrer trop près des îles, car quand le vent vire, le voilier vire aussi ! Il ne faudrait vraiment pas s’échouer ici, parce qu’il n’y a personne pour nous sortir de là. Ils ne sont pas équipés pour ça ! Et le cargo ne vient qu’une fois par mois.

Autres bateaux

Pendant notre escale à Aur, le cargo de ravitaillement est venu deux fois. Les habitants se rassemblent sur la plage et les chaloupes font des aller-retour pour transporter les provisions pour nourrir leurs familles. Il n’y a pas de voiture sur l’île, alors chacun pousse sa brouette entre les arbres à fruit de pain pour venir la remplir de poches de riz et de farine. C’est la joie !

Quelques jours avant notre départ, une famille de 4 enfants arrive sur un trimaran. Cet équipage vient de l’atoll de Kwajalein. Les parents sont des Américains qui travaillent sur la base militaire américaine depuis de nombreuses années. Ils partent pour un voyage d’un an dans les îles du Pacifique. C’est toujours agréable pour les enfants de rencontrer d’autres jeunes qui vivent en voilier. Le contact est bon et les amitiés se forment vite. Malheureusement, il est déjà temps de dire nos adieux…

Le départ

Avant de quitter ce petit atoll paisible, Raphaël et moi allons faire un dernier tour au village pour saluer les gens et offrir des livres d’anglais, langue seconde, à la petite école. Le directeur, qui est aussi l’enseignant de la classe des grands, reçoit mon offre comme un trésor ! Il me remercie avec un grand sourire et retourne à sa classe qui pouffe de rire chaque fois que je croise leur regard ! C’est drôle comme ils sont ricaneurs ces Marshallais !

Nous croisons quelques femmes, assises sur leur tapis de feuilles de pandanus. Elles tissaient de jolis éventails en feuilles de cocotier. Nous garderons de très beaux souvenirs de notre escale dans votre lagon de bonheur et penserons à vous chaque fois que nous aurons chaud et prendrons ces éventails pour nous éventer !

Vous aimez nous suivre et lire nos récits?
Vous pouvez nous encourager à poursuivre l’aventure en donnant.

  • {"email":"Email address invalid","url":"Website address invalid","required":"Required field missing"}
    About the Author

    Je suis traductrice et je navigue autour du monde avec mon mari Marcus, nos 7 enfants et notre chienne Brume sur notre voilier Pinocchio à la découverte des océans, des îles, des gens, de la flore, de la faune, des insectes, des poissons, de la culture, de la musique, des arts, de l’histoire et des saveurs d'ailleurs...
    I am a translator and I travel around the world with my husband Marcus, our 7 children and dog Brume on our sailboat Pinocchio to discover the oceans, islands, people, flora, fauna, insects, fish, culture, music, art, history and flavors of faraway...

    >